Chercheur d’emploi, métier à haut risque – Le lundi, c’est ravioli

Comme une partie de la population française, je suis sans-emploi. Pas chômeuse. Un mot que je n’aime pas parce qu’il sous-entend que je ne fais rien de mes journées, ce qui est loin d’être vrai. Chercher un travail est un boulot à plein temps, sans doute plus éprouvant psychologiquement que bien des métiers.

Alors oui, quand je travaillais, je suis passée par ce stade ingrat où je ne comprenais pas pourquoi les chômeurs se plaignaient. Pas de travail d’accord mais du temps pour se consacrer à ses passions, ce que le salarié moyen aimerait tellement avoir. Mais entre savoir ce qu’endurent les sans-emplois et le vivre, il y a un monde.

Si vous avez la chance de ne pas avoir de demandeurs d’emploi dans votre environnement, voici une petite mise en situation pour comprendre ce qui se passe dans leur vie.

Imaginez que l’on vous demande, chaque jour, de contacter des entreprises et de leur proposer des solutions à leur problème. Peu importe que votre cœur de métier ne vous demande pas habituellement de le faire, que vous n’ayez pas de formation commerciale ou que vous soyez un grand timide, vous devez cerner ce qui est attendu et ce que vous, le produit, vous pouvez apporter. La pesanteur quotidienne ne vous ayant pas encore trop engourdi, vous êtes motivés, bien échauffés, en position dans les starting-blocks. Vous faites donc des recherches, vous vous projetez dans la situation du poste à pourvoir, vous arrivez à vous convaincre que vous êtes la personne qu’il faut et vous mettez en place les supports de vente les plus adaptés pour vous promouvoir (modification du CV, lettre de motivation remaniée, book repensé). Vous travaillez dur, de quelques minutes à quelques heures, pour parfaire chaque candidature jusqu’au moment presque fébrile, où vous cliquez sur le bouton « envoyer » de votre boîte mail  en vous disant : « Ça y est, j’ai peut être scellé un moment important de mon avenir ! ».

Sans exagérer, c’est éprouvant. Chaque tâche requiert une force mentale que tout le monde ne peut pas avoir : ne pas avoir peur de se projeter ou d’aller vers l’autre, ne pas se sous-estimer face à la liste des compétences et d’expériences qui défile devant ses yeux chaque fois. Le pire étant à venir, bien sûr.

En fonction du secteur où vous travaillez, cette belle candidature pour laquelle vous avez consacré tant d’énergie n’aura pas de retour.

Pendant ce temps, dans la boîte mail de l’auteur.

Quelques recruteurs polis vous remercieront de l’intérêt que vous portez à la société mais vous annonceront, au choix, que sans réponse sous 3 semaines, considérez que votre candidature n’a pas été retenue / votre profil ne correspond pas tout à fait à ce qui est recherché / le poste est déjà pourvu / sans remettre en cause la qualité de votre profil, une autre personne a été choisie. De rares chanceux auront un retour favorable les invitant à un entretien, à l’issue duquel les meilleurs communicants arriveront jusqu’à la fin des démarches. Le reste n’est que silence.

Je dis chanceux, oui. Pas parce que le recruteur va faire un tirage au sort mais parce qu’il va être complètement spammé par le flot de candidatures, devant faire le tri entre celles qui n’ont rien à faire là, celles qui n’ont fait aucun effort ou n’ont pas compris le besoin de la société, celles qui pourraient être intéressantes et celles qui en valent vraiment le coup. Le tout en s’acquittant de ses autres tâches professionnelles quotidiennes. Dans ce cas, il est facile de louper une personne intéressante et difficile de répondre à tout le monde.

Étant dans la communication, je sais que la concurrence est rude. D’expérience, j’estime que tout ce joue en moins de 48h, voire 24h pour les postes convoités. En une journée, un recruteur peut recevoir entre 30 et 50 candidatures, alors évidemment, même en ayant un profil extraordinaire, envoyer sa candidature trois jours après la parution de l’annonce paraît bien vain, à supposer que l’annonce soit toujours en ligne.

L’état émotionnel du chercheur d’emploi motivé est un yo-yo permanent, digne d’un trouble bipolaire. S’enthousiasmer des raisons de rejoindre une entreprise, répondre à des annonces avec le stress d’être dans les premiers, envoyer sa candidature dans l’espoir de changer sa situation actuelle, prendre en pleine figure un silence diminuant, arrogant et pourtant involontaire. Il n’est pas dur de comprendre pourquoi tant de gens baissent les bras après un temps et encore, je vous parle d’un cas de figure où les annonces sont nombreuses, situation rare dans certaines régions ou certains domaines d’activité. Nombreux sont ceux qui doivent abandonner leurs projets professionnels, leur savoir-faire et toute une part d’eux-mêmes pour espérer trouver quelque chose.

Les fluctuations émotionnelles du chercheur d’emploi au cours d’une journée.

Saupoudrez cet état d’esprit d’un sentiment de culpabilité vis-à-vis de ceux qui travaillent (qu’ils soient proches ou non, qu’ils enfoncent le clou sur votre situation ou non), d’une vie sociale réduite jusqu’au néant et de difficultés financières plus ou moins avancées, vous obtiendrez des conditions de vie que peu d’actifs pourraient affronter sans le soutien d’un bon psy.

Je suis une personne bien entourée, blindée psychologiquement, dotée d’un optimisme assez solide. Je suis en recherche d’emploi depuis peu de temps et pourtant j’ai passé des matinées sous ma couette, démoralisée, doutant de mes capacités les plus basiques. Passer par ces épreuves quotidiennes m’a fait comprendre comme il est facile de se laisser aller à l’abattement, de ne plus avoir envie de faire d’efforts. Quand on travaille, que l’on a des projets qui aboutissent avec des interlocuteurs qui répondent, l’incompréhension du chômeur amorphe est tentante. Pourtant, faites les mêmes tâches que dans ce travail, tuez les projets dans l’œuf dans un silence pesant et, rapidement, l’envie de vous morfondre sera plus forte que celle de se battre.

Si je réussis à combattre cette lassitude, c’est non seulement grâce à ceux qui me soutiennent (d’ailleurs je ne les remercierais jamais assez) mais aussi par des petites habitudes, des réflexes essentiels qui me permettent de tenir bon. Pour ceux qui perdent un peu plus espoir chaque jour et ceux qui découvrent les affres de l’inactivité professionnelle, voici mes quelques conseils pour traverser cette période critique :

– s’investir dans des projets personnels qui peuvent apporter la satisfaction d’avancer que ne donne pas la recherche d’emploi. Rejoindre une association, approfondir ses connaissances dans un domaine, partager ses hobby avec des gens, profiter de la gratuité des musées pour faire toutes les expos qui vous tentent… Bref, faire des activités qui permettent de vous redonner une énergie positive et créatrice.

– essayer de se déculpabiliser face aux autres. Certes, pendant que vous cherchez, votre conjoint, vos parents et la société triment pour vous aider financièrement. Pas de quoi se sentir moins bon ou moins utile. C’est juste une période d’inactivité professionnelle, pas une fatalité. Vous n’êtes pas un boulet incapable, vous êtes une multitude de compétences qui cherchent à être mises en oeuvre.

– s’autoriser à lâcher du leste. Sans pour autant tomber dans l’excès d’oisiveté, se laisser aller à jouer à des jeux, à regarder des idioties à la télé ou des vidéos de chatons sur le net peut être réellement salvateur. Même si des organismes comme Pôle Emploi mettent une certaine pression pour avoir des preuves que vous cherchez bien, ils ne viendront pas vous reprocher d’avoir profité de votre dimanche en famille ou d’avoir décidé qu’aujourd’hui, parce qu’il n’y avait pas d’annonce intéressante, vous alliez finir votre dernière série en cours plutôt que de vous acharner.

Il ne faut jamais oublier que, face aux coups durs de la vie, nous ne sommes pas tous égaux. Le courage et la persévérance sont des ressources que nous avons dans des proportions différentes. Certains semblent déborder d’une énergie sans fin, d’autres ont besoin de déployer autant de  force juste pour se tenir debout.

Loin des images de stigmatisé ou de victime, le sans emploi ne correspondra jamais à un stéréotype parce que chaque histoire est différente. J’ai la chance d’avoir un entourage compréhensif mais je sais que certains doivent régulièrement affronter des réflexions déplacées. Plutôt que juger ou s’apitoyer sur le sort d’une personne sans emploi, mieux vaut sortir des travers habituels en restant humble et en la soutenant par un petit mot d’encouragement, quelque soit le degré de motivation qui lui reste. L’espoir est parfois la richesse la plus précieuse à partager.

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2 Comments

  1. Et bien bon courage ! De mon côté, je découvre aussi cette situation peu commode mais très à la mode. :p

    • Bon courage à toi aussi !
      Je te souhaite que ça ne dure pas trop longtemps 🙂

      Arf, oui, ce satané effet de mode. On s’en passerait bien dans ce genre de cas.

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