Longtemps considéré comme du vandalisme, le street art commence doucement à gagner ses lettres de noblesse auprès du quidam moyen. Si beaucoup de gens associent uniquement cette forme d’expression à la dégradation des lieux publics, c’est qu’ils n’ont pas encore saisi les enjeux derrière cette pratique.
Plus qu’un moyen d’expression marginal et révolté, il s’agit surtout d’une façon pour la population de se réapproprier la rue, cet espace politisé que les pouvoirs veulent absolument maîtriser. Le Street artiste est là pour donner une vision lucide du monde, pour critiquer les incohérences et les injustices sous notre nez, et nous aider à remettre en question ce qui nous entoure.
Évidemment, qui dit remise en question dit réflexion, et l’on imagine sans mal le frisson d’effroi le long de l’échine de nos dirigeants à l’idée de nous laisser penser par nous-même. Dans nos sociétés proprettes, le tag vient perturber l’ordre et l’architecture validés par les institutions. Dans certaines villes, la situation est si tendue que le moindre blase gribouillé au coin d’un mur est perçu comme un véritable acte de guerre contre le pouvoir en place. Le street art est au cœur d’un conflit permanent entre une volonté de créer un environnement aseptisé, idéalisé et un besoin de montrer la réalité qui se cache derrière.
L’une des figures de proue de cette montée en puissance du street art est sans aucun doute Banksy. Sans être le seul artiste dominant, il représente bien toutes les problématiques qui animent cette culture.
D’origine anglaise, il s’exprime au pochoir sur des surfaces choisies au préalable. Plus subtil qu’un « Fuck la police » fait à la va-vite, il utilise intelligemment les éléments urbains au service de ses créations. Comme tout artiste qui se respecte, son style et ses techniques ont évolué au fil du temps. Des messages collés en passant par sa série sur les rats, il sait toucher par sa poésie, sa clairvoyance et surtout son cynisme.
Fortement médiatisé aujourd’hui, plusieurs débats enflent autour de son identité, qu’il garde secrète depuis le début, et sur ses productions. Parmi les questions que l’on se pose reviennent souvent les : « Un artiste vendant des toiles est-il toujours un street artiste ? », ou : « Comment prouver qu’une oeuvre est bien de Banksy alors qu’on ne le connaît pas ? ».
Quoiqu’il en soit, si ces créations ont atteint un statut d’œuvre d’art dans certaines villes, au point de faire la fierté des quartiers qui les accueillent, d’autres sont beaucoup moins tolérantes et rangent Banksy dans le lot des menaces contre l’ordre public. Ce fût le cas lors de son voyage à New-York où sa visite a été le prétexte d’une chasse à l’homme pour le moins délirante. D’un côté, les journalistes cherchant ses dernières créations et de l’autre, les policiers, prêts à arrêter cet infâme individu qui ose défier les autorités à coups de pochoirs. Ce qui est marquant dans ce cas particuliers, c’est à de constater à quel point cette expérience a prouvé que le street art est vraiment un art populaire. À l’encontre des revendications du maire new-yorkais, les habitants ont pris l’initiative de protéger le travail de l’artiste par leurs propres moyens, confortant cette idée que la rue appartient au peuple avant tout.
À mon sens, le street art est un bel exemple de ce à quoi sert l’art. Enfermé dans des musées, il est consommé par les visiteurs comme n’importe quel produit. Ses notices d’explications sont survolées, laissant la réflexion à une élite qui a déjà en main les clés culturelles pour le comprendre. L’art dans la rue n’a pas de catégorie socio-professionnelle de prédilection. Il s’adresse à tous, sans discrimination. Il émeut, il sensibilise et surtout il fait réfléchir, qu’on soit docteur en astrophysique ou charpentier.
Au-delà de la présentation de Banksy, j’espère avoir réussi à vous donner envie d’observer plus attentivement votre environnement pour repérer les dénonciations cachées, si vous ne le faisiez pas déjà. Personnellement, je ne saurais que trop supporter ceux qui s’amusent à offrir aux passants une nouvelle façon de voir les choses, de les faire sortir de leur petit cocon bien pensant. Et pour ceux qui osent revendiquer, sortez sprays, pochoirs et collages, l’art se fait dans la rue.
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