Nous étions bien équipés. Avec Jack Kerouac et Christopher McCandless dans nos sacs, on était prêt pour l’aventure. Nous avons pris le gros avion qui pollue et avons atterri par un joli jour d’août en terres québécoises.

Après une nuit à Montréal chez notre amie Paulette et une matinée à parcourir le Mont Royal, nous avons récupéré le véhicule de location. Ce que l’on espérait être un petit van s’est avéré être un peu plus volumineux.

Honteux, nous avons planqué Kerouac et McCandless dans un des grands placards de la Bête, avons pleuré pour notre empreinte carbone grandissante et nous avons commencé notre route. Dans le cœur, une envie de paysages sans fin sur fond de Dropkick Murphys et d’un périple inoubliable.

Le Parc National de la Mauricie

Première étape : le Parc de la Mauricie. La route entre le Parc et Montréal était sans fin. La fermeture du camping était annoncée à 21h30 et nous avons vu les minutes défiler jusqu’au moment où nous sommes arrivés à l’entrée du parc, un peu après cette heure fatidique. On nous a pourtant laissé entrer. Il nous restait encore 50 minutes de trajet. Le stress nous tordait le ventre autant que les zigzags de la route. On s’est imaginé devoir faire demi-tour et dormir sur un parking en bord de route. Quand nous avons fini par atteindre le camping, on nous a accueillis d’un « c’est correc » aimable, en nous apprenant qu’il y avait une tolérance jusqu’à 22h30. Un premier trajet fort en émotions, donc.

Tôt le matin, nous avons couru jusqu’au bord du lac Wapizagonke pour profiter de la vue aux premières lueurs. La brume caressait l’eau et les cimes avec douceur. Le calme ambiant compensait pour l’arrivée en fanfare de la nuit.

Après le petit déjeuner, nous avons enfilé nos chaussures de randonnée pour un parcours alternant 9 km de canoë sur le lac et 8 km de marche. Ce circuit nous a familiarisé avec les maringouins (moustiques) et nous a amené à faire un pique-nique aux Chutes Waber.

En partant au Québec, j’avais espoir de voir des animaux sauvages et plus particulièrement des loutres, ma lubie du moment. Nous n’aurons croisé dans ce secteur qu’un groupe de canards bien plus à l’aise sur l’eau que nous.

Il y avait dans cette randonnée une dimension hors du temps. Le long des chemins, pas un bruit. Un léger bruissement de feuilles ponctuel mais pas le chant d’un oiseau.

En retournant au camping, portés par le grand air, nous avons tenté de faire vivre les trappeurs en nous en faisant cuire des pommes de terre à la cendre. Noires à l’extérieur, crues à l’intérieur, le résultat n’a pas été à la hauteur de notre longue attente. Nos talents de cuisiniers de plein air sont à améliorer.

Québec et les chutes de Montmorency

Pas de le temps d’niaiser, nous sommes repartis sur la route vers Québec. Un tour en mode express du Vieux Québec et de la Citadelle. Nous avons profité de cette étape pour tester la tire d’érable et la poutine.

J’avoue que nous n’avons pas eu le coup de cœur pour cette ville. Malgré quelques-unes de ces originalités et un accueil très agréable des commerçants, elle ne nous a pas séduit.

Après une nuit bruyante sur un parking payant, nous avons fait une étape aux chutes de Montmorency, les plus hautes de la région, qui se situent à la sortie de Québec. Une petite pause agréable, où nous avons découvert que le « Poison ivy » se traduit « Herbe à la puce », donnant aux aventures de l’homme chauve-souris une antagoniste au nom un peu moins classe qu’en anglais.

La route

De longues heures s’écoulent pour aller d’un point à l’autre mais les bords de route ont su nous interpeller : géologie originale, panneaux, motel, maisons et jardins, forêts, station essence…

Conduire la Bête est un exercice de vigilance de tous les instants, son format ne nous est pas familier. S’il est considéré comme petit pour le Québec, il est énorme pour nous Français. Heureusement les routes de campagne ne sont pas les nôtres et nous ont permis de circuler sans encombre. Ou presque.

Au fil des routes nous nous sommes enchantés des noms des villes et des rivières : « Rivière au Loup », « Notre dame des 7 douleurs », « Cap Chat », « Rivière Tortue »

Ce périple a été aussi une rare occasion d’être ensemble. La Bête avait beau avoir de l’espace, il n’y avait pas d’échappatoire à cette intimité et nous avons dû apprendre à accepter la présence permanente de l’autre. À part quelques tensions de fatigue au début, nous avons bien géré. 

La Réserve faunique de Matane

Matane n’est pas une étape importante des itinéraires conseillés et pourtant nous y avons passé un très bon moment. Comme ma petite sœur y habite, l’arrêt était une évidence. Après l’avoir arrachée de sa cellule étudiante, nous l’avons embarquée pour passer une journée à la Réserve faunique.

Nous l’avons obligée à randonner jusqu’au sommet du Mont Charles-Edouard Vézina, la première montagne la plus à l’ouest du début des Chic-Chocs. Une promenade assez physique aux paysages étonnamment variés : marécages, sous-bois, bouleaux, pins aux allures fantomatiques… Cette fois, les bruits de la nature étaient au rendez-vous. Entre les grenouilles, un serpent et des écureuils, nous avons sursauté plusieurs fois.

Après une ascension douloureuse et une pause déjeuner inconfortable, nous sommes redescendus le long de la rivière, où nous n’avons pas résisté au fait de mettre les pieds dans l’eau pour nous rafraîchir.

Le Parc Forillon

Nous avons rendu ma sœur à sa vie étudiante et avons repris la route, après une nouvelle randonnée matinale le long de la rivière. Les voies du nord de la Gaspésie sinuent le long de la Rivière Saint-Laurent et dévoilent des paysages extraordinaires.

Nous avons rejoint un premier camping à Rivière-au-Renard, le temps d’une nuit. Cette pause a été l’occasion de faire une lessive, en contemplant la collection très hétéroclite de la bibliothèque du camping (Danielle Steel y côtoie Harry Potter, des livres sur le développement personnel, 50 Shades of Grey et un guide pratique de la gynécologie).

Nous avons finalement atteint l’Anse-au-griffon, à 12 kilomètres de là, notre étape pour plusieurs jours afin de pouvoir profiter du Parc Forillon, situé plus à l’Est.

Premier arrêt de notre périple dans ce parc : une petite marche le long du sentier blanc, près du Cap-des-rosiers, sous l’œil vigilant du phare dans le lointain.

Nous avons enchaîné avec une quête aux castors, en parcourant un sentier longeant un lac accueillant une communauté de ces rongeurs aquatiques. Une randonnée un peu frustrante puisque les rives laissées brutes ne permettent pas de voir les constructions de ces animaux fascinants. Mais, en reprenant la grande route gravillonnée permettant de retourner au parking, nous sommes tombés nez à nez avec un barrage, faisant déborder les rivières voisines et condamnant la voie aux véhicules. Une preuve flagrante de l’ingéniosité de ces créatures en très gros plan.

Parce que vacances nous est synonyme de marche, comme vous l’aurez remarqué, nous avons ensuite fait le sentier de La Chute, une boucle parmi les érables autour d’une jolie cascade. Puis nous sommes descendu jusqu’à Penouille, au sud, pour parcourir le sentier de la Taïga. Ce dernier nous a charmé par sa végétation presque unique : des lichens que l’on trouve normalement dans le cercle polaire poussent sur cette presqu’île. Une balade dépaysante presque seuls dans les bois, que demander de mieux ?

Jusqu’au Bout du monde

Notre deuxième journée au Parc du Forillon n’a pas été de tout repos non plus et a su apporter son lot de surprises. Nous avons rejoint le sentier du Cap-Bon-Ami, en espérant profiter de la vue imprenable depuis la tour d’observation construite en haut des falaises.

Après avoir grimpé et senti progressivement l’air se refroidir, nous avons été rattrapés par le brouillard qui a donné une aura mystérieuse à cette vue. Un peu trop mystérieuse même. Nous avons tout de même fait la grande boucle, en espérant que les nuages se dissipent. Peine perdue, ils seront restés en notre compagnie toute la journée sur cette côte nord.

Pour finir en beauté, nous avons pris le chemin de Cap Gaspé, vers le Bout du Monde, l’endroit le plus à l’Est du Parc. Une marche tranquille qui s’est terminée en compagnie de porc-épics, sous toujours plus de nuages.

Une nuit au Parc National du Bic

Il nous fallait quelques étapes avant de retourner à Montréal. Nous avons choisi de nous arrêter une nuit dans le Parc National du Bic.

Le trajet fût intense. Nous pensions avoir atteint l’apogée du stress en contournant prudemment une camionnette de peinture renversée et en mettant un peu de peinture sur nos roues. C’était sans compter sur un fourbe panneau de station essence qui a déchiqueté l’auvent du RV, pourtant protégé pour éviter qu’on ne l’utilise et ne l’abîme (1 500$ de réparation pour information). Pour couronner le tout, nous avons roulé sous le vent et la pluie battante.

Petit consolation, une accalmie nous a accueilli au Parc du Bic, nous permettant ainsi de profiter d’une animation en soirée et d’une belle vue sur la mue des phoques le lendemain matin.

Notre dernière étape s’est faite dans un camping plutôt urbain, coincé entre la route transcanadienne et une voie passante. Un décor qui change des grands étendues vertes que nous avions vu jusque là.

Montréal

La Bête rendue à l’agence et les dégâts constatés, notre voyage s’est achevé à Montréal. 3 jours au rythme très calme pour compenser les kilomètres parcourus et ceux encore à venir !

Nous avons beaucoup déambulé dans les rues de la ville, en admirant les murals et l’esthétique des immeubles. Flânant de librairies en boutiques de souvenirs (hors de question de revenir en France sans un stock de sirop d’érable à distribuer à nos proches), nous nous sommes imprégnés de cette ambiance tranquille.

Parmi nos découvertes, les tams-tams du Mont Royal, un rassemblement de personnes de tous horizons qui viennent partager le rythme des percussions et la transe de la danse spontanée au pied du parc du Mont Royal. Le tout dans des vapeurs d’alcool et les fumées d’une substance pas encore légale en France. 

Nous avons également fait une excursion au jardin botanique de Montréal, histoire de prendre une nouvelle dose de nature avant de repartir. 

Impensable de passer au Québec, terre fondatrice des matchs d’impro, sans aller voir un spectacle de théâtre improvisé. Nous avons donc passé notre lundi soir devant l’excellente troupe des lundis de l’impro. Un moment de franche rigolade qui fait participer le public et propose aux plus motivé·e·s de venir participer à un atelier avant le spectacle.

Notre tour au Québec n’aurait pas été complet sans une soirée autour de quelques jeux en compagnie de nos hôtes montréalais, Paulette et Gab’. Malheureusement, je n’ai pas été maline et n’ai pas pris de photos de ces chouettes instants ensemble… Je profite de ce post pour les remercier encore pour leur accueil et leurs bons plans.

Au final, notre périple n’aura pas eu un esprit antisociétal ou aventurier. On sera plutôt resté sur des vacances randonnées classiques mais les paysages du Québec auront trouvé une jolie place dans nos cœurs.