Un soir de grande indécision sur la manière d’achever mes neurones, j’ai fini par regarder une recommandation que m’assénait Netflix à grands coups d’Autoplay : « Tydying up with Marie Kondo ». Pour une allergique aux tâches ménagères dans mon genre, il y avait quelque chose de fascinant à voir des personnes prendre plaisir à plier leur linge et ranger leurs affaires dans des boites. Après m’être passée les nerfs à replier l’intégralité du contenu de ma commode, j’ai poussé le vice plus loin. La curiosité pousse parfois à faire des choses malsaines : j’ai acheté l’un des livres de Marie Kondo et l’ai lu jusqu’à la fin.

J’ai d’ailleurs trouvé très drôle cette coïncidence : le rayon librairie du Carrefour Market (ne me jugez pas, le stress était intense à cette période, je n’avais pas le temps d’aller dans une vraie librairie) était absolument chaotique. J’ai fini par dégoter le seul exemplaire disponible dans une étagère promotionnelle en vrac.

Une petite erreur de sélection

J’ai donc entrepris de lire « La magie du rangement »,  livre de développement personnel par le tri et plaidoyer pour la méthode Konmari (son blaze dans le game du rangement). Si je suis hypnotisée par sa capacité à réduire des vêtements à des carrés parfaitement uniformes, j’ai été beaucoup moins obnubilée par ma lecture.

Je m’attendais à du contenu concret sur comment organiser ses placards mais n’ai trouvé qu’un guide assez générique, avec des cas de personnes ayant fait appel à ses services dont la vie a radicalement changé depuis. J’aurais sans doute dû choisir son autre livre. Tant pis pour pour mes chaussettes qui traînent.

Quoiqu’il en soit, cela m’a permis de comprendre à quel point Marie Kondo est obsédée par le rangement et mettre le doigt sur ce qui me gêne avec sa méthode « révolutionnaire ».

1 – Le bonheur est dans la poubelle

Son procédé pour ranger durablement se déroule ainsi : rassembler toutes ses affaires en une pile, choisir un à un chaque objet, décider s’il nous apporte de la joie : le garder si c’est le cas, sinon le jeter (en n’oubliant pas de le remercier parce qu’il est évident que Marie Kondo est animiste). Elle fait ces étapes pour 5 types d’objets : d’abord les vêtements, puis les livres, les papiers, les objets divers et enfin les affaires sentimentales.

Même si elle parle de donner à des associations, le mot « jeter » est omniprésent. Il n’est pas question de réparer ou transformer pour redonner une utilité : quand c’est en mauvais état, on jette. Alors qu’elle prône un nouvel élan de vie par sa méthode, elle ne propose de profiter de cette dynamique pour enfin réparer ce qui doit l’être.

Son propos m’a paru assez contradictoire sur certains aspects. Quand elle incite à faire le vide pour prendre conscience des excès matériels autour de soi et faire réfléchir à la nécessité de l’achat, elle défend également sa méthode avec un bel esprit capitaliste. Si on jette trop ou si c’est cassé, on pourra toujours en racheter.

2 – Vivre pour ranger

Creusons un peu plus cette idée d’une nouvelle vie par le rangement. Pour que sa méthode fonctionne, Marie Kondo prévient qu’il faut un objectif, une idée de ce que cela doit nous apporter. Elle enfonce le clou de l’influence extraordinaire que peut apporter un intérieur ordonné à grand coups de « Transformez votre vie de façon spectaculaire » ou de « Votre nouvelle vie commence quand vous avez rangé ».

En soit, rien de délirant à se donner un objectif à atteindre. Cela permet de définir une fin au processus et à tenir sur la distance. Mais quelque chose me chagrine dans cette promesse.

J’ai réussi à comprendre quoi après avoir lu un passage précis. Marie Kondo y explique ses rituels quand elle rentre chez elle. Elle annonce à sa maison qu’elle est revenue, range ses affaires méticuleusement, remercie tous ses objets et conclue : « Je ne vous ai pas fait ce récit pour vous en mettre plein la vue avec mon superbe mode de vie, mais pour vous montrer en quoi consiste le fait d’avoir un endroit bien précis où mettre chaque chose. ».

Je suis restée dubitative, à la fois fascinée par cette volonté maniaque de poser chaque chose à sa place et horrifiée par ce temps dépensé pour le faire. Est-ce là le fameux changement qui nous attend une fois la méthode Konmari appliquée ? À quel moment une personne qui n’est pas passionnée de rangement vit-elle réellement dans un schéma pareil ?

Pour ma part, hors de question de perdre une demi-heure à faire tout ça chaque jour. Quand on a une réserve d’énergie extrêmement limitée, chaque tâche compte avant l’effondrement. Je ne suis pas certaine que mon mode de vie soit moins superbe parce que je décide de consacrer une partie de mon énergie restante à du bouquinage plutôt qu’à vider mon sac à main.

3 – Tout abandonner

Il me semble finalement que ce qui me gêne le plus dans l’approche Konmari c’est la teinte de pessimisme qui en ressort. On se débarrasse de ce qui nous encombre pour mieux avoir de visibilité sur ce qui est important certes. Dans les grandes lignes, c’est une bonne idée.

Mais à un moment, elle explique qu’elle considère que « Plus tard » est une autre manière de dire « Jamais ». Elle fait cette réflexion sur les livres notamment. Ayant une pile à lire d’une taille indécente, je comprends que ce soit le genre de cas où « Plus tard » donne cette impression.

Cependant, avoir des projets qui traînent dans un coin ne veut pas dire qu’ils ne seront jamais réalisés.

Peut-être ne peuvent-ils pas être mis en place à cause d’un rythme de vie inadapté à ce moment précis mais qu’ils le seront bientôt. Peut-être que ce sont des projets créatifs qui sont en cours de maturation, qui se nourriront de ce passage à vide pour être encore plus intéressants. Peut-être que ce livre qui attend aura un écho encore plus fort par ce qui a été vécu avant de pouvoir le lire. Peut-être que la perspective de voir ces projets achevés un jour apporte de la joie. Bref, ma vision des choses qui n’avancent pas est définitivement plus optimiste.

Malgré ces points, je suis reconnaissante à Netflix et à Marie Kondo. Les cartons qui traînaient ont été enfin vidés, les placards rangés, les affaires en trop sont bientôt données… De là à dire que ma vie a changé, il ne faudrait pas exagérer mais la curiosité s’est muée en une vraie phase d’appropriation de ma cabane à la campagne avec tous les projets qui vont avec. Et ça, c’est de la vraie joie !