À de nombreuses reprises, j’ai ouvert une nouvelle page pour écrire un article sur ce blog et je l’ai refermée aussitôt. Trop de choses à dire, trop de fils personnels à démêler pour expliquer clairement mes idées. C’est cette bonne vieille colère qui m’a fait réagir, celle qui nourrit autant mon envie de créer que l’hypertension qui me perdra un jour.

Il aura fallu une conversation avec un individu aux propos réac’ sur « ma » génération fainéante et mollassonne pour que je me réveille. À trop se laisser marcher dessus et convaincre qu’on est ce que l’on est pas, on finit par entrer dans le moule qu’on nous concocte. À moins que l’esprit ne se révolte à temps.

Soyons francs. Pour moi, les différences entre les générations proches ne sont qu’une sorte de monstre du Loch Ness né dans les journaux d’économie. Jamais je n’ai ressenti un fossé, une distinction culturelle infranchissable avec les personnes de la génération au-dessus de la mienne. Des divergences d’opinions, de caractères, oui, mais qui ne me semblaient pas justifiées par un esprit « générationnel ». La chance d’avoir rencontré des gens ouverts la plupart du temps sans doute.

Quoiqu’il en soit, quand je me suis retrouvée rangée dans cette case de gens « manquant d’endurance et de travail », c’est mon corps tout entier qui a rejeté violemment cet amalgame. De tous les qualificatifs qui m’ont été attribués jusque là, « travailleuse » était l’un des principaux. M’en voir privée a été le coup nécessaire pour m’aider à relever la tête.

À défaut de pouvoir faire changer l’opinion de cette personne qui ne reconnaîtrait sans doute pas des efforts supplémentaires, il fallait que je trouve une manière de me laver de cette insulte. Et quoi de mieux que de se lancer dans un projet hors de sa zone de confort pour cela ?

Je me suis donc investie dans un défi personnel. Ayant repris doucement le dessin, je suis tombée en admiration devant une technique que je ne connaissais pas : le stippling, le fait de créer des reliefs avec des petits points. Après avoir fait un essai technique sur un petit carnet, mon regard s’est posé sur le chevalet qui trône inutilisé dans le bureau et je me suis dit qu’il allait me falloir une plus grande feuille. Malgré les migraines, la fatigue, les yeux douloureux, je me suis installée devant ce format raisin chaque soir et j’ai piqueté le papier jusqu’à ce que mes pieds ne me portent plus. Comme une expiation, il fallait que je me prouve que je pouvais le faire, même si le résultat devait être mauvais.

Ce défi m’aura pris trois semaines mais je l’ai réussi. J’en suis fière. Pas pour la qualité du résultat, pour le fait d’avoir tenu jusqu’au bout et de m’être prouvée que je ne suis pas cette caricature à laquelle on m’a réduite. Maintenant que j’ai repris confiance, j’ai mille projets en tête et je ne laisserai plus personne me convaincre que je suis une autre, surtout pas des vieux réac’.

Je vous présente donc le résultat de cette bataille interne : Tyrannosaure au magnolia.